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Le champ magnétique solaire vu en stéréo
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Un travail d’équipe spatial : en combinant les données de deux missions spatiales, Solar Orbiter (ESA) et SDO (Solar Dynamics Observatory, SDO), des chercheurs ont déterminé pour la première fois de manière non-ambigüe le champ magnétique à la surface du Soleil.
Deux missions spatiales voient mieux qu’une seule – en particulier quand elles observent leur sujet d’étude depuis deux directions différentes, comme c’est le cas avec Solar Orbiter, de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) et Solar Dynamics Observatory (SDO) de la NASA. Une équipe de chercheurs, pilotée par le Max Planck Institute for Solar System Research (MPS) en Allemagne, et à laquelle contribue le Laboratoire de Physique des Plasmas, a réussi à combiner des observations de mars 2022 de ces deux missions, de telle sorte que l’orientation du champ magnétique à la surface du Soleil puisse être mesuré de manière non-ambigüe pour la première fois. Il y a environ un an et demi, les chercheurs avait décrit de manière théorique la méthode d’une telle mesure stéréoscopique du Soleil. Dans un volume récent du journal Astronomy & Astrophysics, dédié aux premiers résultats de la mission Solar Orbiter, ils ont mis en œuvre cette méthode sur des données observées. En conjonction avec SDO, la mission Solar Orbiter a fait un grand pas permettant d’atteindre un de ses buts : une meilleure compréhension de la nature magnétique de notre astre.
La plupart des sondes et télescopes ont un point de vue très similaire du Soleil : étant presque tous situé sur ou au voisinage de la Terre, ils ne voient que la face du Soleil tournée vers la Terre. Cependant, depuis son lancement il y a environ trois ans et demi, la mission Solar Orbiter de l’ESA bénéficie elle d’une perspective bien différente. La trajectoire de vol originale de Solar Orbiter ne fait pas que l’amener beaucoup plus proche du Soleil (jusqu’à un tiers de la distance entre le Soleil et la Terre), mais lui permet d’orbiter de manière elliptique autour du Soleil. Ce changement de perspective offre une opportunité fascinante : en synergie avec des satellites proche de la Terre, il procure une vision stéréoscopique du Soleil. Une équipe de chercheurs internationaux a profité de ce double point de vue pour surmonter une restriction majeure des observations modernes du champ magnétique du Soleil.
L’angle mort de l’observation du champ magnétique
Le champ magnétique est considéré comme la clef de la nature dynamique et capricieuse de notre astre. Il contrôle son cycle d’activité de onze ans, produit les taches solaires à sa surface et est le moteur des éruptions solaires violentes qui peuvent affecter l’environnement magnétique de la Terre et les technologies humaines. Malheureusement, tous les télescopes qui mesurent le champ magnétique solaire ont un point faible : avec un point de vue unique, seule la composante du champ magnétique en direction de l’observateur peut être mesurée de manière non-ambigüe, mais pas son orientation perpendiculaire à la direction d’observation. Ainsi jusqu’à présent il était impossible de connaître complètement ce champ magnétique. « Or pour comprendre le comportement de notre étoile, il est fondamental de mesurer aussi précisément que possible son champ magnétique », indique Gherardo Valori, chercheur du MPS et auteur principal de l’étude, pour expliquer l’enjeu de ces nouvelles mesures.
Jusqu’à présent, pour combler ce « trou dans la raquette », les scientifiques utilisaient des hypothèses raisonnables, des modèles, sur l’orientation supposée de la composante transverse du champ magnétique. « L’approche habituellement utilisée est bonne et pragmatique, mais elle peut néanmoins induire des résultats complètement erronés, en particulier dans les zones qui sont justement les plus importantes pour comprendre les éruptions solaires », précise Étienne Pariat, chercheur du CNRS au LPP et co-auteur de l’étude. Seul deux missions spatiales travaillant en tandem en observant le Soleil depuis deux points de vus différents peuvent fournir la mesure correcte. « Les données d’observation d’une sonde peuvent compenser l’angle mort du second satellite - et inversement » explique Sami K. Solanki, directeur du MPS et responsable de l’instrument « Polarimetric and Helioseismic Imager » (PHI) de Solar Orbiter. De cette manière, toutes les composantes du vecteur champ magnétique peuvent être mesurées observationnellement.
L’an dernier, l’équipe de chercheur avait démontré, de manière théorique, le concept de cette mesure en utilisant des données synthétiques. Désormais, l’équipe a pu mettre en œuvre avec succès leur méthode de mesure sur de véritables observations.
Une vision double d’une région active
Les scientifiques ont ainsi analysé des données obtenues le 17 Mars 2022. A cette date, Solar Orbiter se trouvait à peine peu plus qu’à un tiers de la distance Soleil-Terre, et l’instrument PHI observa la région active NOAA 12965 à la surface du Soleil. Les régions actives sont caractérisées par leur champ magnétique particulièrement intense et complexe ; elles sont associées aux taches solaires et sont la source des éruptions solaires les plus puissantes. Au même instant, l’instrument “Helioseismic and Magnetic Imager” (HMI) de SDO, surveillait lui aussi la même région active, mais depuis un point de vue formant un angle de 27° par rapport à la direction Soleil-SolO. « Les deux instruments, n’avaient pas seulement deux perspectives distinctes sur la région active, mais se trouvait à des distances très différentes. La résolution spatiale des données des deux instruments était donc aussi bien différente. » explique G. Valori. Qui plus est, les deux instruments étaient aussi calibrés différemment. Malgré ces obstacles, les efforts des chercheurs furent récompensés, et le champ magnétique des taches solaires pût être mesurée complétement, uniquement grâce aux observations.
L’équipe est désormais optimiste que leur méthode peut être utilisée sur d’autres régions du Soleil, dont certaines avec des champs magnétiques plus faible. A l’avenir, les chercheurs espèrent que les mesures de la future mission de l’ESA, Vigil, qui suivra la Terre le long de son orbite, et qui, en tandem avec d’autre mission, permettra une surveillance à la fois continue et stéréoscopique du Soleil.
Liens :
Nouvelles de l’INSU/CNRS : https://www.insu.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/le-champ-magnetique-solaire-vu-en-stereo
Communiqué de presse originel (en anglais) : https://www.mps.mpg.de/a-stereo-view-of-the-sun-s-magnetic-field
Publications associées :
G. Valori et al. : Stereoscopic disambiguation of vector magnetograms : first applications to SO/PHI-HRT data, Astronomy & Astrophysics, Volume 677, September 2023
Source : https://www.aanda.org/articles/aa/full_html/2023/09/aa45859-23/aa45859-23.html
DOI : https://dx.doi.org/10.1051/0004-6361/202345859
G. Valori, P. Löschl, D. Stansby, E. Pariat, J. Hirzberger, F. Chen : Disambiguation of Vector Magnetograms by Stereoscopic Observations from the Solar Orbiter (SO)/Polarimetric and Helioseismic Imager (PHI) and the Solar Dynamic Observatory (SDO)/Helioseismic and Magnetic Imager (HMI) , Solar Physics (2022) 297:12
Source : https://link.springer.com/article/10.1007/s11207-021-01942-x
DOI : https://dx.doi.org/10.1007/s11207-021-01942-x
Contact :
Etienne PARIAT
Physicien solaire @ CNRS
Laboratoire de Physique des Plasmas
email : etienne.pariat lpp.polytechnique.fr

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