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La turbulence dans les plasmas : un thème transverse à la plupart des études menées au LPP.
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L’importance de la turbulence vient en premier lieu du fait que, dans les plasmas comme dans les gaz neutres, l’existence de fluctuations est toujours responsable de transports accrus de matière et de chaleur.
Dans les tokamaks comme celui du futur ITER, la turbulence s’oppose au bon confinement du plasma en lui permettant de diffuser vers la surface extérieure du tore. C’est le phénomène principal qui dimensionne la machine puisque, pour une diffusion donnée, augmenter le diamètre permet d’augmenter le volume confiné davantage que la surface extérieure sur laquelle se font les pertes. C’est donc un enjeu important de comprendre le fonctionnement de la turbulence si l’on veut pouvoir concevoir des machines plus petites, avec par exemple des "barrière de transport" pour limiter les pertes, qui peuvent exister si la turbulence se trouve atténuée sur certaines surfaces magnétiques.
En physique spatiale, le transport des particules et du flux magnétique du vent solaire vers l’intérieur de la magnétosphère terrestre serait a priori interdit si le système était laminaire et ne contenait que des grandes échelles. En réalité, c’est très vraisemblablement la turbulence intense qui est observée en amont des magnétosphère qui est responsable des transferts qui sont observés et de tous les phénomènes magnétosphériques qui en découlent (reconfigurations de la queue magnétique, accélérations de particules, aurores polaires, ...). Ces transferts sont autorisés par des fluctuations de petite échelle et se produisent via un autre phénomène fondamental de la physique des plasmas magnétisés : la reconnexion magnétique.
Pour comprendre les liens qui existent entre transport et turbulence, il est plus facile de penser aux exemples qui nous sont familiers dans les gaz neutres plutôt qu’à ce qui se passe dans un plasma, qui est souvent moins intuitif. Dans les milieux neutres, il est clair qu’un ensemble aléatoire de fluctuations de vitesse permet des mouvements complexes du milieu qui peuvent mener à des mélanges entre des régions initialement distantes. Ceci se traduit par la possibilité, pour la matière et la température "moyennes" (en moyennant sur une échelle suffisamment grande), de diffuser spatialement. Un radiateur, par exemple, serait extrêmement peu efficace si seule l’agitation moléculaire était seule responsable de la diffusion de la chaleur dans l’air et s’il ne se formait au dessus de lui des cellules de convection qui transportent l’air qui est chauffé à sa surface. Au-delà du simple mélange, lorsque les cellules froides et les cellules chaudes, en se disloquant, atteignent des tailles suffisamment petites, ce sont de véritables phénomènes de diffusion, dus ici à des phénomènes non idéaux comme la viscosité (c’est-à-dire, de façon microscopique dus aux collisions), qui deviennent efficaces et font tendre éventuellement le milieu vers une température homogène.
Dans les plasmas dits "froids" comme dans les gaz neutres, ces phénomènes de transport viennent s’ajouter -et accélérer sensiblement- les différents phénomènes de transports "normaux", c’est-à-dire ceux qui sont liés aux collisions binaires entre particules (ceux qui existent même lorsque le milieu est immobile).
Dans les plasmas dits "chauds" comme ceux qu’on rencontre dans la physique spatiale et dans les machines de fusion, la turbulence est d’une importance encore plus cruciale car le niveau des transports "normaux" est le plus souvent quasi-nul, ces milieux étant non (ou très faiblement) collisionnels. Dans ces cas, il existe bien aussi des phénomènes "non idéaux", mais ils ne sont alors pas liés aux collisions mais à d’autres phénomènes de petite échelle concernant les comportements individuels des particules dans le champ collectif (rayon de Larmor des particules, longueur d’inertie, ...).
Les fluctuations naissent généralement d’instabilités grande échelle qui sont dues aux conditions limites du système : un obstacle dans un écoulement, par exemple, crée des différences de vitesse localisées au bords du sillage qui sont instables (instabilité de Kelvin-Helmholtz) et donnent naissance linéairement à des modulations de grande échelle de ce sillage. Ces ondes initiales sont la cause de la turbulence, mais ne sont pas la turbulence en elles-mêmes. C’est en raison des effets non linéaires que ces fluctuations prennent ensuite la forme de tourbillons puis dégénèrent : les grands tourbillons se déforment et se cassent en engendrant des tourbillons plus petits qui eux même se cassent, jusqu’à atteindre, éventuellement, un état statistiquement homogène et isotrope jusqu’aux échelles les plus petites, celles où le rôle des phénomènes de diffusion n’est plus négligeable. C’est cet ensemble de fluctuations à toutes les échelles que l’on qualifie de turbulence : dans la turbulence, les différentes échelles du spectre sont donc reliées non linéairement entre elles et l’énergie peut ainsi circuler d’échelle en échelle pour être éventuellement dissipée aux échelles diffusives.
Dans les plasmas magnétisés, une différence importante avec les milieux neutre est l’existence de fluctuations sur toutes les grandeurs du système, non seulement la vitesse, la densité, la température, mais aussi les champs électromagnétiques associés E et B. Une autre différence importante avec l’hydrodynamique incompressible est l’existence d’ondes planes qui font que les structures non linéaires que l’on y rencontre n’ont pas nécessairement la forme traditionnelle de tourbillons. De plus, une dernière différence importante est que ces milieux sont fortement anisotropes, la propagation des fluctuations comme leurs effets non linéaires étant très différents dans la direction du champ magnétique de grande échelle et perpendiculairement à celui-ci.
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