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La spectroscopie d’émission et les réseaux de neurones ouvrent des nouvelles possibilités de diagnostiques et de contrôle pour la propulsion spatiale
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Les propulseurs de Hall (HET) se sont imposés comme une technologie clé pour les missions spatiales, permettant de réduire la masse des propergols embarqués et d’améliorer l’efficacité de la poussée, en particulier pour les missions de longue durée. Ces moteurs passent des longues campagnes de tests avant d’être qualifiés pour le vol. Cependant, des écarts de performance persistent entre les résultats obtenus au sol et ceux en vol. Bien que ces écarts soient mineurs au début de la mission, ils peuvent avoir un impact significatif à long terme, notamment pour des satellites géostationnaires dont la durée de vie est de 10 ans minimum.
Figure 1 : Schéma de principe du contrôle optique d’un propulseur de Hall. À gauche : Un propulseur de Hall placé dans une chambre à vide. À droite : Diagramme en bloc illustrant le fonctionnement de la boucle de contrôle. L’émission de la plume du propulseur est collectée par un spectromètre, puis envoyée à un réseau de neurones. Ce dernier estime les valeurs de la tension d’anode et du débit de gaz. Les prédictions sont comparées aux valeurs cibles, et l’erreur ainsi calculée est utilisée par le PID pour envoyer les corrections nécessaires afin d’ajuster la tension et le débit du gaz.
La spectroscopie d’émission s’avère être un outil de diagnostic expérimental pertinent dans ce contexte, car elle permet de sonder le plasma de manière non invasive, aussi bien en vol que dans les infrastructures de test. Elle fournit une signature optique permettant d’identifier des paramètres clés du plasma, tels que la température et la densité électroniques. Elle permet également de suivre en temps réel les paramètres de fonctionnement du moteur, ce qui reste un défi aujourd’hui pour des temps caractéristiques courts (inférieur à quelques milli secondes).
Dans un article publié dans Journal of Applied Physics le 21 octobre 2024, Tarek Ben Slimane, Alexandre Leduc, Loïc Schiesko, Anne Bourdon et Pascal Chabert de l’équipe plasmas froids du LPP ont proposé de combiner la spectroscopie optique à l’utilisation de réseaux de neurones pour analyser et contrôler un propulseur de Hall.
L’étude présente un modèle basé sur des réseaux de neurones (NN) couplé à un spectromètre, capable de prédire les paramètres de fonctionnement d’un HET à partir du spectre d’émission de la plume. Ce modèle permet ensuite, via un contrôleur de type PID (Proportionnel-Intégral-Dérivé), de réguler ces paramètres. La boucle de contrôle est illustrée dans la Figure.1. La base de données de 6400 spectres d’émission, correspondant à diverses conditions de fonctionnement d’un HET pour l’entraînement des réseaux de neurones a été obtenue dans le cadre d’une campagne de mesures menée en collaboration avec Safran Spacecraft Propulsion et l’équipe du moyen d’essais PIVOINE 2G (ICARE – CNRS Orléans).
Le réseau de neurones développé permet de prédire les paramètres d’opérations du propulseur avec une précision élevée : la tension de l’anode à 94 %, le débit d’injection de xénon à 99 %, le courant de décharge à 99 %, et le courant dans les bobines à 84 % (ce dernier influençant le champ magnétique de la décharge).
Figure 2 : Ajustement de la tension de l’anode (a) et du débit de xénon (b) au cours du temps pour différentes valeurs cible. Dans ces deux scénarios, les variables contrôlées alternent entre deux valeurs cibles : 350 V et 250 V pour la tension, et 1,5 mg/s et 3,0 mg/s pour le débit. Les figures montrent un temps de stabilisation inférieur à une seconde, avec un dépassement limité à environ 5 % de la consigne.
En termes d’application de contrôle, l’intérêt d’utiliser la spectroscopie combinée à un réseau de neurones réside dans la rapidité des prédictions. La signature optique spontanée a un temps caractéristique de quelques microsecondes, tandis que les prédictions du réseau de neurones s’effectuent en quelques fractions de millisecondes, en raison de leur nature polynomiale. Ces prédictions rapides, de l’ordre de quelques millisecondes, sont compatibles avec du contrôle en temps réel. De ce fait, elles ont été couplées à un régulateur PID, qui a montré des bonnes performances. Le régulateur a stabilisé la tension de l’anode et le débit d’injection avec des temps de réponse rapides comme le montre la Figure.2, bien qu’un ajustement plus complexe soit nécessaire lorsque le courant des bobines magnétiques varie, i.e. le champ magnétique. L’intérêt ici réside dans la possibilité d’un contrôle actif du propulseur à l’échelle du "mode de respiration", une instabilité d’ionisation de 1kHz à 10kHz qui, jusqu’à présent, est gérée de manière passive via des filtres RLC.
Ce travail ouvre des perspectives prometteuses pour les propulseurs à effet Hall, tant pour leur contrôle en orbite que pour la compréhension de la source plasma à partir du spectre d’émission.
Ce travail a été partiellement financé par l’ANR et Safran Spacecraft Propulsion dans le cadre de la Chaire ANR industrielle POSEIDON (No. ANR-16-CHIN-003-01) et par le projet européen H2020 appelé CHEOPS LOW POWER (Grant Agreement No. 10100433). Tarek Ben Slimane a également été financé par l’EUR PLasmaScience (programme “Investissements d’Avenir” No. ANR-18-EURE-0014).
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