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L’hélicité magnétique au cœur du déclenchement des phénomènes éruptifs solaires
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Comprendre les mécanismes gouvernant le déclenchement des éruptions solaires est un enjeu majeur de la physique solaire. Les éruptions solaires sont les phénomènes les plus violents de notre système solaire : une énergie comparable à plus de 100 000 fois la consommation humaine mondiale annuelle d’énergie est libérée en quelques dizaines de minutes, et le plasma constituant l’atmosphère solaire peut être éjecté vers l’espace interplanétaire, et fréquemment vers la Terre à une vitesse de quelques milliers de km/s. Suite à ces éruptions, différents réseaux et systèmes technologiques humains peuvent être affecté. Comprendre et prédire les éruptions solaires est une des problématiques clefs de la « météorologie de l’espace ».
Si les physiciens solaires ont depuis longtemps bien compris que le champ magnétique est au cœur du phénomène des éruptions, et en particulier la « reconnexion magnétique », les mécanismes qui permettent de déclencher les éruptions n’ont pas été identifiés de manière incontestable et de multiples scénarios sont activement débattus parmi les chercheurs.
Or, depuis quelques années, une quantité intrigue les spécialistes : l’hélicité magnétique. L’hélicité est une quantité qui renseigne globalement sur le niveau d’entrelacement du champ magnétique et sur sa chiralité : à la manière d’une pelote de laine, les lignes de champ magnétique qui structurent l’atmosphère du Soleil peuvent être plus ou moins emmêlées, et le sens de la torsion dextre ou sénestre. De précédent résultats [1,2] ont suggérés que l’hélicité magnétique semblait intimement liés avec les processus éruptifs. De nouveaux résultats [3], obtenus dans le cadre d’une collaboration permise par le programme Hubert Curien « Alliance » (Campus France, Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères) entre des chercheurs du Laboratoire de Physique des Plasmas (LPP), du département de mathématiques appliquées de l’Université de Durham (UK) et du « Centre for mathematical plasma-astrophysics / Université Catholique de Leuven (Belgique), confirment à nouveau l’intérêt d’étudier l’hélicité magnétique pour comprendre les éruptions solaires.
L’étude, publiée dans le journal « Astronomy and Astrophysics, repose sur la comparaison de deux simulations numériques du déclenchement auto-consistant d’un jet coronal [3], une sous-classe d’évènement éruptif observé très fréquemment dans l’atmosphère solaire. Dans une des simulations un jet est obtenu tandis que dans l’autre simulation le système reste stable. Ces simulations numériques s’effectuent dans le cadre du paradigme de la magnétohydrodynamique, approximation dans laquelle le plasma solaire est représenté par un fluide magnétisé. Les simulations 3D incluent une concentration de champ magnétique (e.g. une tache solaire). La concentration magnétique est initialement stable et ne peut pas donner lieu à une éruption. De l’énergie et de l’hélicité magnétique sont très graduellement apportés aux systèmes magnétiques via un forçage au niveau de la base. Si les deux simulations numériques sont initialement identiques, le forçage est maintenu légèrement plus longtemps dans une des simulations. La simulation qui bénéficie d’une injection légèrement plus longue d’énergie et d’hélicité est celle qui voit la génération d’un phénomène éruptif, tandis que l’autre reste stable.
« L’intérêt de l’étude de cette expérience numérique ne repose pas sur le fait qu’une éruption a lieu lorsque l’on apporte plus d’énergie et d’hélicité magnétique, qui est un résultat bien connu. » précise Etienne Pariat, auteur principal de l’étude. « Ce qui est particulièrement intéressant ici, est que la génération du jet n’a pas lieu immédiatement, mais qu’il y a un délai important entre le moment où nous arrêtons de perturber le système, et le moment où l’éruption a effectivement lieu. Cette période importante est énigmatique car l’on peut se demander pourquoi l’éruption n’a pas lieu tout de suite lors de la fin du forçage, dès que suffisamment d’énergie a été injectée. L’hélicité magnétique apporte ici une nouvelle clef. » continue le chercheur.
En effet, alors que l’énergie magnétique n’évolue pas dans la phase faisant suite au forçage, l’hélicité magnétique, elle, évolue significativement. Une saveur de l’hélicité magnétique, l’hélicité magnétique non-potentielle continue de croitre, alors même que le système n’est plus forcé. L’hélicité magnétique est sensible à la réorganisation du champ magnétique dans la phase pré-éruptive alors que l’énergie y est complètement aveugle. Cette étude montre, une fois de plus, que l’hélicité magnétique est beaucoup plus intimement liée au processus éruptif que ne l’est l’énergie. Il semble, à nouveau ici, que l’hélicité magnétique est cruciale pour expliquer la déstabilisation du système magnétique et le déclenchement de l’éruption. « L’hélicité reste cependant une quantité complexe, difficilement mesurable et aux propriétés étranges. Il reste encore beaucoup de travail pour comprendre son action exacte. » conclu Etienne Pariat.
Auteur LPP : Etienne Pariat
Références :
[1] Relative magnetic helicity as a diagnostic of solar eruptivity ; E. Pariat, J. E. Leake, G. Valori, M. G. Linton, F. P. Zuccarello and K. Dalmasse ; A&A, 601 (2017) A125 ; https://doi.org/10.1051/0004-6361/201630043
https://www.cnrs.fr/fr/une-nouvelle-piste-pour-predire-les-eruptions-solaires
[2] Threshold of Non-potential Magnetic Helicity Ratios at the Onset of Solar Eruptions ; F. P. Zuccarello, E. Pariat, G. Valori, and L. Linan ; ApJ, 863 (2018) ; https://doi.org/10.3847/1538-4357/aacdfc
[3] A Breakout Model for Solar Coronal Jets with Filaments ; P. F. Wyper, C. R. DeVore, and S. K. Antiochos ; The Astrophysical Journal, 852 (2018), 98 ; https://doi.org/10.3847/1538-4357/aa9ffc
[4] Comparison of magnetic energy and helicity in coronal jet simulations ; E. Pariat, P. F. Wyper and L. Linan ; Astronomy & Astrophysics, 669 (2023) A33 ; https://doi.org/10.1051/0004-6361/202245142

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