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Plasmas pour la propulsion spatiale
Vers de nouveaux propulseurs…
La propulsion des engins spatiaux et des fusées est fondée sur le même principe de base, à savoir l’obtention d’une force de propulsion (la poussée) par l’accélération et l’éjection de masse.
Les fusées chimiques obtiennent de fortes poussées en éjectant rapidement de grandes quantités de matière, et peuvent ainsi échapper à l’attraction gravitationnelle terrestre pour atteindre l’espace. Toutefois, cette méthode consomme de grandes quantités de carburant et par conséquent s’avère très coûteuse pour de longues missions interplanétaires, ou pour maintenir un satellite sur l’orbite voulue.
Dans ce but, la propulsion électrique semble prometteuse et suscite un large intérêt ces dernières années. La vitesse d’éjection des propulseurs électriques est de l’ordre de 20 km/s avec une quantité de carburant embarquée 10 fois plus faible que pour les fusées chimiques. La poussée permise par les propulseurs électriques est relativement faible (ils ne peuvent donc pas être utilisés pour quitter la terre) mais ils fournissent l’accélération nécessaire pour les missions interplanétaires.
Les propulseurs électriques déjà utilisés pour les applications spatiales sont des propulseurs à grille (aussi appelés moteurs ioniques) et les propulseurs de Hall. La poussée est assurée en extrayant et en accélérant les ions positifs issus d’un plasma à haute densité. Dans plusieurs types de propulseurs et en particulier les propulseurs de Hall, le faisceau d’ion est neutralisé par les électrons issus d’une cathode creuse en aval de l’étage d’accélération. Cette neutralisation est nécessaire pour éviter une accumulation de charges négatives sur le vaisseau spatial qui s’opposerait au champ accélérateur.
La propulsion électrique au LPP
Au LPP, des travaux expérimentaux, théoriques et de simulation sont menés sur la propulsion électrique depuis 2007. Les travaux sur un propulseur à grilles (appelé Neptune) avec un système original d’accélération RF (2 brevets de l’Ecole Polytechnique), inspiré des plasmas de gravure, a donné lieu à la création de la start-up ThrustMe en 2016.
Actuellement, les travaux sur la propulsion électrique au LPP sont menés dans le cadre de deux projets :
Propulseur PEGASES (Plasma Propulsion with Electronegative GASES)
Le propulseur à plasma électronégatif PEGASES (breveté par l’école polytechnique début 2007) appartient à la famille des propulseurs électrostatiques. L’innovation majeure consiste à utiliser à la fois les ions positifs et les ions négatifs pour la poussée. Pour y parvenir, un plasma électronégatif à haute densité est généré (un plasma constitué à la fois d’ions positifs, d’ions négatifs et d’électrons). Un champ magnétique est utilisé pour séparer les électrons, si bien qu’une zone libre d’électrons est obtenue à la périphérie du plasma. Cette région sans électrons est appelé un plasma ion-ion où seuls des ions positifs et des ions négatifs sont présents. La poussée est obtenue en extrayant puis en accélérant les ions positifs et négatifs à partir de cette région particulière.
Le premier prototype de PEGASES à été mis en route dans une petite chambre à vide fin 2007 au LPP. Les travaux expérimentaux, théoriques et de simulation menés au LPP ont permis (voir liste de publications en bas de page) :
– De mieux comprendre et optimiser le filtrage des électrons par le champ magnétique,
– d’étudier les instabilités, le transport anormal, et le refroidissement des électrons observé expérimentalement
– d’évaluer les performances de l’iode comme carburant du futur dans la propulsion spatiale
Propulseurs de Hall
Les travaux menés au LPP sur les propulseurs de Hall ont démarré en 2014 dans le cadre d’une thèse CIFRE avec Safran et se sont poursuivis dans le cadre de la chaire ANR industrielle POSEIDON (2016-2022) portée par le laboratoire LPP. Le partenaire industriel de la chaire est Safran Spacecraft Propulsion. Le CERFACS et ICARE (banc d’essais PIVOINE) ont participé à ce projet. Dans le cadre de la chaire POSEIDON, 9 thèses (dont 3 CIFRE) ont été soutenues, 21 articles publiés dans des revues internationales à comité de lecture (comme Plasma Sources Science and Technology et Physics of Plasmas...) dont 2 publications sur deux benchmarks internationaux, une première dans la communauté des plasmas magnétisés pour la propulsion électrique (voir liste de publications en bas de page). Les travaux menés ont été également présentés dans les conférences internationales majeures dans le domaine des plasmas froids et de la propulsion électrique, avec notamment 8 conférences internationales invitées.
Des résultats scientifiques majeurs ont été obtenus sur les instabilités du plasma et leur impact sur le transport anormal des électrons dans un propulseur à effet Hall et les interactions plasma/paroi. D’un point de vue expérimental, les objectifs ont été atteints avec la fabrication d’un nouveau prototype de propulseur, démontable et conçu pour être très flexible. Les tests sur ce moteur ont permis une avancée significative en identifiant expérimentalement une configuration moteur à rendement élevé.
En novembre 2023, le laboratoire commun COMHET a été inauguré par le CNRS, l’Ecole Polytechnique et Safran Spacecraft Propulsion.
Les travaux seront menés autour de trois axes liés aux caractéristiques physiques des propulseurs de Hall et des verrous scientifiques et technologiques qui leur sont propres :
- Axe 1 – Étude des propergols alternatifs.
- Axe 2 – Simulations numériques.
- Axe 3 – Diagnostics intelligents.
L’objectif sera d’accroître et de fiabiliser les performances des propulseurs, notamment en termes de stabilité et de compatibilité, en développant des briques technologiques innovantes afin de répondre aux enjeux et défis des propulseurs de satellites de demain. À cet effet, les équipes de COMHET exploreront l’utilisation d’un nouveau produit de propulsion (propergol) tel que l’iode pour remplacer le xénon, plus coûteux, ainsi que l’utilisation de simulations numériques et le développement de diagnostics non-intrusifs pour réduire la durée et le nombre de tests en caisson sous vide.